Ouganda: un prêtre milite pour les homos

Publié le par Christophe Martet

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Christopher Ssenyonjo © CM

Après plusieurs articles sur la situation des gays en Ouganda, voici une interview d'un des personnages les plus engagés dans le combat contre la discrimination.
« J’assume tout ce que je dis ». C’est ainsi que commence mon entretien (réalisé en décembre 2006) du prêtre Christopher Ssenyonjo qui s’est fait l’avocat des minorités et principalement des homos en Ouganda.


Comment en êtes-vous venus à vous intéresser à la question gay ?
Je suis prêtre à la retraite. J’ai fait des études sur la sexualité, il y avait beaucoup à faire en terme de councelling, en 1998 j’ai commencé l’activité de conseils, axé principalement sur le VIH. Les homos me font confiance pour parler. Mais l’église anglicane d’Ouganda savait que quand un homo venait me voir, je ne le condamnais pas. Mon travail n’est pas de condamner, mais de comprendre et d’écouter les gens. L’église m’a ostracisé, m’a mis sur la touche. Jésus était du côté des opprimés, pour leur apporter l’espoir. Il faut aimer tout le monde. Mes études sur la sexualité m’ont aidé à comprendre les gays, et ceux qui disent que c’est une abomination se trompent. La Bible est importante, mais le monde réel nous oblige à aimer sans discriminer. Les gays n’ont pas fait ce choix, ils sont ainsi, comment ose-t-on leur dire qu’ils ne peuvent pas être ce qu’ils sont ? Une nouvelle loi qui est contre la discrimination dans ce pays, mais le ministre a prévu que les homosexuels ne sont pas inclus dans cette nouvelle loi. Pour moi, l’ignorance est encore très forte et c’est par l’éducation que nous pourrons avancer.

Qu’est-ce que vous dites aux gays qui viennent vous parler ?
Si un homo fait son coming-out, je lui dis de se sentir le mieux possible avec. Quand certains me disent, «ceux qui sont homosexuels, il faut les changer», je leur réponds: mais pourquoi eux devraient changer et pas vous ? C’est ce qu’ils sont. J’essaie de leur montrer que Dieu les aime, je leur dis de ne pas se dénigrer, d’être le mieux possible.

Vous voyiez-vous comme un porte-parole des gays ?
Je suis un partisan d’un changement de la loi. La question de l’homosexualité est venue et les gens me voient d’une drôle de façon, pensent que je suis un peu fou. Mais je suis juste contre toute forme de discrimination. En Afrique du Sud, ils ont pu avancer, parce que la discrimination, ils l’ont connu ! La conscience du gouvernement était plus facile à faire bouger. Je suis pour une loi contre la discrimination.

Pensez-vous justement que la loi en Afrique du Sud va permettre un changement dans votre pays ?
Deux choses peuvent arriver. D’abord, on va voir se développer une réaction contre l’Afrique du Sud. Certains ont commencé à dire qu’il fallait préparer la contre-offensive. Certains ont appelé au boycott, ce qui n’est pas très réaliste. Ce qu’a fait l’Afrique du Sud va nous aider. Ce qui est vrai, c’est que même quand le président ougandais dit qu’il n’y a pas d’homos en Ouganda, c’est évidemment un mensonge. Les homos sont là, mais ils sont opprimés. C’est pour cela que l’éducation va nous apporter la liberté. La vérité va nous apporter la liberté. Je ne suis pas moi-même homo, mais mes études m’ont rendu les homos sympathiques, je me suis rapproché d’eux. Mon mentor est Saint-Paul. Quand j’ai commencé à prendre la défense des homos, j’ai reçu un courrier qui m’a profondément touché, dans lequel un archevêque m’apportait son soutien. Et cette lettre était signée Desmond Tutu. Il m’a dit «Christopher, je suis avec vous, je vous soutiens». Propos recueillis en décembre 2006

Depuis cet entretien, les choses ont commencé à bouger en Ouganda (lire plus bas Des homos ougandais témoignent). Les homos ont pris la parole publiquement et le président ougandais, Yoweri Museveni, ne peut plus dire, comme il l’avait fait en 2002 : «Il n’y a pas d’homosexuels en Ouganda». Mais les menaces proférées par des groupes religieux contre les homosexuels font craindre des représailles. C’est pourquoi le directeur de Human Rights Watch a écrit le 22 août dernier au président Museveni.
+ d’infos sur le site Gay Uganda






Publié dans Gay

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