Alzheimer: " Je ne sais pas dans quel monde je vis."

Publié le par Christophe Martet

Depuis février dernier, nous savons que notre mère est atteinte de la maladie d'Alzheimer. C'est le diagnostic médical qui est tombé, ne nous prenant pas par surprise puisque celà faisait plusieurs mois que nous pressentions que notre mère avait des réactions étranges et ne se comportait plus comme avant. Nous étions inquiets de la voir en mauvaise forme, souvent déprimée, perdant visiblement du poids. Il y avait bien ces signaux d'alerte comme ces sempiternelles questions: "Quel jour sommes-nous?" "Qu'est-ce qu'on fait là?" "Où sont mes clefs?". Des petites pertes de mémoire que l'on croit sans importance mais qui sont le signe que quelque chose s'est brisé.

Nous, je parle aussi au nom de mes deux sœurs, sommes frappés par la méconnaissance de cette maladie, à commencer au sein du corps médical. Il y a deux ans, ma mère avait déjà fait quelques tests et effectué un scanner. Son médecin traitant de l'époque n'a pas jugé bon d'en savoir plus et l'a soigné pour une dépression. Ce que l'on a appris plus tard, c'est que c'est justement ce qu'il ne faut pas faire.

Nous savons aujourd'hui, par le neurologue qui l'a prise en charge, que dès cette époque, les signes précurseurs de la maladie d'Alzheimer (lire à ce sujet les infos médicales du site de France Alzheimer) étaient visibles dans son cerveau. Mais pendant deux ans, son médecin traitant a ignoré ce diagnostic. Ma mère s'est très vite rendue compte que quelque chose clochait, mais elle n'a pas pu, su, voulu en parler et c'est cela qui l'a mis dans un état dépressif. Je schématise peut être, mais ce qui a dû se passer, c'est qu'elle n'a pas eu l'écoute suffisante de la part de son médecin pour affronter un diagnostic qui fait peur. Que pouvions-nous faire? Très autonome, ma mère allait seule chez le médecin et en sortant , elle disait toujours que tout allait bien.
Physiquement, oui. Mentalement c'est autre chose.
C'est sournois, la maladie d'Alzheimer. Ce n'est pas spectaculaire comme une crise cardiaque. Petit à petit, ce sont des choses que ma mère ne fait plus: nous téléphoner, voir sa belle-soeur, préparer à manger quand je venais la voir avec Solo. Et petit à petit, c'est une forme d'agressivité qui est apparue, une attitude que nous n'avions jamais connu de sa part.
Je viens de voir dans le très beau film de Laurence Serfaty, consacré à une maison bien particulière au Canada, où résident des malades d'Alzheimer, que cette agressivité est le plus souvent une manière d'affirmer que l'on est toujours en vie. Et comme le dit Nicole Poirier, la formidable directrice de Carpe Diem, "il ne faut pas l'éteindre cette agressivité, car c'est la vie même qu'on éteindrait". Vous pouvez voir de larges extraits de ce film sur le site de la Cité des Sciences.

Pendant les premiers mois après l'annonce du diagnostic, nous avons fait des gaffes. La principale était de penser qu'en motivant notre mère nous arriverions à lui redonner des forces et le goût de faire des choses. Sans nous rendre compte qu'en fait, ce que nous lui proposions de faire était insurmontable pour elle, comme si nous lui demandions de gravir une montagne! Elle n'a pas la même conscience de l'espace et du temps. La phrase qu'elle répète d'ailleurs le plus souvent est: " Je ne sais pas dans quel monde je vis".

Nous savons aussi que cette maladie ne va pas s'en aller, que ma mère devra vivre avec et que les symptômes, même s'ils semblent moins aigus, ne vont pas s'estomper, bien au contraire. Et ce n'est pas le plan contre Alzheimer – annoncé opportunément par Sarkozy avant de balancer les mauvais chiffres de la croissance, les ponctions nécessaires dans les revenus des ménages (TVA sociale…), les départs de fonctionnaires non remplacés– qui va changer grand-chose. C'est juste un effet d'annonce. Encore la preuve du cynisme d'un homme prêt à tout sacrifier pour la com'.
À suivre…


On peut se procurer le film de Laurence Serfaty, "Alzheimer, jusqu'au bout de la vie", auprès
du producteur : Altomedia. Tél. : 01 42 77 77 72. contact@altomedia.com.

Publié dans Politique

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